Une infographie publiée par Alta Mira — un centre luttant contre l’addiction à l’alcool et aux drogues — sur la neuroplasticité nous explique de manière très simple ce qu’est la neuroplasticité et ses implications quant aux comportements et conditionnements comportementaux.
L’infographie complète est disponible ici, j’en ai sélectionné des extraits qui me paraissent pertinents et qui peuvent être utilisés dans la conception et l’implémentation de programmes de formation.
Les informations qu’apporte cette image permettent d’aborder la formation et plus généralement l’acquisition de connaissances et compétences sous l’angle de la neuroplasticité, et ce sera l’objet de cet article.
La neuroplasticité décrit le processus par lequel le cerveau est capable de se modifier durant des phases d’apprentissage. Une définition complète est disponible sur Wikipedia.
Un des freins à l’apprentissage est souvent que l’apprenant est dans ce qu’on appelle un “fixed mindset”. Il considère qu’il est doué pour X mais très mauvais pour Y et que cette situation est figée et ne changera pas quoi qu’il arrive.
Par opposition, on retrouve le “growth mindset” chez les apprenants qui valorisent le travail nécessaire à l’acquisition d’une compétence et comprennent qu’en focalisant leurs efforts et en investissant du temps il peuvent acquérir de nouvelles connaissances et compétences.
La neuroplasticité est la preuve scientifique de la possibilité d’acquérir de nouvelles connaissances et capacités, de s’améliorer dans le temps.
C’est un bon moyen d’introduire un changement d’état d’esprit chez les apprenants réfractaires ou vites découragés par une approche “figée” — “je ne suis pas doué pour ça” — face à de nouvelles situations.
Le plaisir entraîne une meilleure rétention de l’information et permet aussi de créer de nouvelles habitudes. Alta Mira parle d’ailleurs du cerveau du junkie, pour qui la drogue génère tellement de dopamine — neurotransmetteur associé au plaisir — que le nouveau comportement d’utilisation de la drogue est très vite adopté comme automatisme.
Cela nous conforte donc dans l’utilisation de renforcement positif : récompenser, féliciter et donner un retour positif sur les bons comportements ou les bonnes réponses que l’on souhaite renforcer.
Un autre levier intéressant dans la mise en place de formation est la gamification et son impact sur l’investissement des apprenants.
La gamification permet l’attribution de récompenses — souvent virtuelles, comme des badges et des points — qui déclenchent une petite libération de dopamine.
Dans le cadre d’une formation, cela nous donne plusieurs pistes d’améliorations pédagogiques :
J’ai déjà eu l’occasion de parler de l’importance de la répétition espacée et son intérêt dans mon article sur la courbe de l’oubli.
Que ce soit pour la rétention d’information ou l’acquisition de nouvelles compétences, la répétition est clé.
De la même façon que la première leçon de conduite dans une voiture parait complexe, la plupart d’entre nous conduisent maintenant en se souciant simplement de la direction vers laquelle aller, le reste des opérations étant complètement acquis et nécessitant un très faible effort conscient.
La répétition des tâches entraîne donc un renforcement des circuits neuronaux. La première fois qu’on effectue une action, cela nous paraît inconfortable et étranger. C’est la première fois que l’on sollicite un circuit neuronal reliant différent neurones entre eux.
On crée la communication entre les différents neurones nécessaires à la réalisation de notre action.
Les répétitions suivantes viennent renforcer ce circuit, on “internalise” le processus. Après un certain nombre de répétitions, cette action peut être exécutée en pilote automatique, sans même y penser.
On réalise là encore l’importance de ne pas traiter les formations comme des séances intenses de bachotage mais plutôt comme une suite de petits épisodes répétés régulièrement pour renforcer ces circuits neuronaux et internaliser la connaissance.
Certains éléments extérieurs peuvent influencer l’état d’esprit dans lequel on se trouve et générer des réactions émotionnelles — par opposition à des réactions rationnelles — contre-productives.
C’est extrêmement pertinent dans le cas de lutte contre les addictions comme pour Alta Mira mais c’est aussi très intéressant de réfléchir aux conséquences dans le monde de la formation.
Parfois une compétence est acquise mais son transfert est rendue difficile voir impossible par un état émotionnel inadéquate.
Pensez par exemple à un élève qui connaît son cours par coeur mais commet des erreurs “d’inattention” et échoue à son test. La situation stressante de l’examen le bloque dans la mobilisation de ses connaissances.
Les technologies de formation en immersion comme la réalité virtuelle permettent de plonger l’apprenant dans des conditions plus proches de l’environnement dans lequel il devra utiliser sa compétence.
Prenons par exemple la prise de parole en public, source de stress et situation bien connue pour faire perdre ses moyens à de nombreuses personnes.
Un projet en collaboration entre Orange et Digital’n’Human permet à l’apprenant de se retrouver dans une situation stressante sans pour autant être face à un réel enjeux.
Cette mise en situation permet de déclencher des réactions du public, poser des questions à l’orateur, etc. Cela permet une désensibilisation et une mise en situation qui serviront à l’apprenant lors de la mise en pratique en conditions réelles.
De la même façon que les simulateurs d’avions permettent aux pilotes de s’entraîner de nombreuses heures à gérer des incidents sans risque de tuer leurs passagers, les technologies de réalité augmentée et virtuelle permettent une plus grande versatilité dans la mise en situation.
Dans l’ensemble une bonne qualité de vie au travail permet une meilleure approche de l’apprentissage.
Que ce soit par la réduction du niveau de stress pour aborder de nouveaux concepts ou de nouveaux comportements ou simplement en réduisant la charge de travail pour permettre aux apprenants de prendre le temps de se former sur leur temps de travail.
Enfin, stimuler régulièrement les collaborateurs en les soumettant à de nouveaux challenges — avec un degré de difficulté adapté, avec une approche ludique, sous forme de jeu — permet de travailler leur neuroplasticité en leur demandant d’acquérir de nouvelles capacités pour répondre aux challenges.
Plus on apprend, plus il est facile d’apprendre. Le meta-learning, ou apprendre à apprendre permet de générer de nombreux bénéfices :
Ces traits et compétences permettent non seulement une meilleure capacité d’évolution de la part de l’apprenant mais en fait aussi un acteur plus productif et adaptable dans l’environnement dans lequel il évolue.
Cette infographie dédiée à la neuroplasticité nous permet de tirer des neurosciences des indications pour améliorer notre pédagogie.
En comparant ces recommandations et ce qui se fait actuellement en terme de formation, on voit un écart qui nous amène à repenser la formation telle qu’on la connaît.
Là où la formation d’aujourd’hui est essentiellement un ensemble de vidéos suivies de quiz, une approche beaucoup plus globale, multi-sensorielle et intégrant une mise en pratique tangible permettra une meilleure absorption de l’information et le développement de nouvelles compétences.
Les nouveaux standards tels que xAPI — un standard applicable aux données du monde de la formation — permettent une transition vers un suivi de l’expérience de l’apprenant plutôt que de simples score mesurant la rétention de l’information à un moment donné.
En combinant ces standards permettant de tracker l’expérience globale de l’apprenant et les nouveaux moyens de transmettre la connaissance — technologies immersives, répétitions espacées, adaptive learning — le monde de la formation va devoir faire face à de nombreuses transformations et de nouveaux challenges dans les années à venir.